La réforme du droit des contrats a franchi un nouveau cap. Le projet de loi de ratification de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été adopté le 11 avril 2018 par le Parlement. La loi n°2018-287 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016 a été promulguée le 20 avril.
La loi de ratification apporte une clarification heureuse quant à l’application dans le temps de l’ordonnance du 10 février 2016. Ainsi, l’ordonnance précisait que sauf exception, ses dispositions entraient en vigueur le 1er octobre 2016 et que les contrats conclus antérieurement à cette date restaient soumis à la loi ancienne. Cependant, restait en suspens la question de savoir si les dispositions d’ordre public issues de l’ordonnance s’appliquaient aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016.
La loi règle la question en précisant que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent en principe entièrement soumis à la loi ancienne, « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public ». Il n’est pas exclu cependant que dans certains cas, le juge interprète le droit ancien à la lumière du droit nouveau.
S’agissant des modifications apportées par la loi dans le Code civil, l’article 16 I dispose que « la présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018 ». Cependant il convient de distinguer les modifications qui n’ont qu’un caractère interprétatif, de celles qui seront applicables aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016.
Par conséquent, il faudra distinguer selon que le contrat a été conclu avant le 1er octobre 2016, auquel cas il sera soumis à la loi ancienne. Lorsque le contrat est postérieur au 1er octobre 2016, il faudra déterminer si la clause ou la disposition litigieuse a été modifiée par la loi de ratification, et si tel est le cas, si elle a fait l’objet d’une seule « interprétation ». Seuls les contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2018 se verront appliquer les nouvelles dispositions apportées par la loi de ratification et modifiant de manière substantielle le texte initial.
Modifications substantielles – Entrée en vigueur le 1er octobre 2018
Les contrats d’adhésion et les clauses abusives :
La loi de ratification élargit la définition du contrat d’adhésion à l’article 1110 du Code civil. La définition du contrat d’adhésion était critiquée car elle rattachait sa qualification à l’existence de conditions générales. Désormais, le contrat d’adhésion est « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». La qualification ne repose plus sur une exigence formelle mais sur des éléments de fait : la possibilité de négocier les clauses ou non.
Le champ d’application des clauses dites « abusives » est réduit. L’article 1171 du Code civil prévoyait qu’une clause qui créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations dans un contrat d’adhésion était réputée non écrite. Cet article faisait l’objet de critiques du fait qu’il laissait sous-entendre que le régime des clauses abusives consacrées dans le code de la consommation s’appliquait désormais à tous les cocontractants, professionnels ou consommateurs. La loi de ratification vient réduire le champ de cet article en rajoutant plusieurs conditions. Ainsi, l’article 1171 alinéa 1er dispose que dans un contrat d’adhésion, seule une clause « non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
La caducité :
La caducité de l’offre est désormais consacrée en cas de décès de son destinataire. L’article 1117 du Code civil ne prévoyait pas ce cas de caducité, bien qu’unanimement acceptée par la jurisprudence. Il est regrettable que d’autres situations n’aient pas été envisagées, notamment l’incapacité du destinataire, son refus de l’offre avant l’expiration du délai ou encore l’acceptation de l’offre par un tiers.
La réticence dolosive :
La réticence dolosive sur l’estimation de la valeur de la prestation est dorénavant exclue. Ainsi, la loi de ratification a ajouté un alinéa à l’article 1137 du Code civil disposant ainsi que « Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ». Cette exclusion pourrait remettre en cause la consécration à l’article 1139 du Code civil de l’erreur sur la valeur de la prestation.
La réduction du prix pour exécution imparfaite :
La loi vient préciser la procédure en cas de réduction du prix pour exécution imparfaite. Le mécanisme prévu à l’article 1223 du Code civil n’était pas clair et peu compréhensible. Dorénavant, l’article 1223 du Code civil prévoit qu’en « cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction du prix ».
La cession de dette :
La loi consacre l’exigence d’un écrit en matière de cession de dette à l’article 1327 du Code civil. Cette disposition permet de rétablir la cohérence avec les autres opérations sur les obligations que sont la cession de créance, la cession de contrat ainsi que le nantissement de créance, requérant tous un écrit. Une question se pose cependant en pratique concernant le caractère de la nullité : nullité absolue ou nullité relative. Dès lors que l’on ignore l’intérêt que le législateur a entendu protéger par cette règle, la jurisprudence tranchera.
La loi de ratification modifie également l’article 1117 du Code civil en cas de décès de l’offrant, l’article 1145 du Code civil relatif à la capacité des personnes morales et l’article 1161 du Code civil relatif aux conflits d’intérêts.
Modifications ayant un caractère interprétatif – Applicables aux contrats conclus après le 1er octobre 2016
Le préjudice réparable en cas de rupture fautive des négociations :
La loi de ratification consacre pleinement la jurisprudence Manoukian. Ainsi, l’article 1112 du Code civil dispose désormais qu’« En cas de faute commise dans les négociations la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages ».
L’abus de dépendance :
L’abus de dépendance est restreint, puisque dorénavant il doit être apprécié à l’aune de la personne subissant l’état de dépendance, mais également à la lumière de ses relations avec son cocontractant.
La sanction de la fixation abusive du prix dans les contrats de prestation de service
L’article 1165 du Code civil prévoit la possibilité d’obtenir du juge des dommages et intérêts en cas d’abus dans la fixation du prix. Il n’était pas prévu la possibilité de demander la résolution du contrat. Désormais, c’est possible, la loi de ratification modifie l’alinéa 2 de l’article 1165 du Code civil prévoyant ainsi que : « en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat ».
La loi de ratification modifie également l’article 1216-3 du Code civil relatif au sort des sûretés accordées par le cédant en cas de cession de contrat, ainsi que l’article 1221 du Code civil relatif au régime de l’exécution forcée.
La loi de ratification apporte des modifications importantes au Code civil, levant ainsi certaines incertitudes sur des notions clés du droit des obligations.