Par un arrêt en date du 7 décembre 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a conclu que les logiciels d’aide à la prescription constituaient des dispositifs médicaux au sens du droit de l’UE. Cette décision devrait mettre fin à l’obligation de certification de ces logiciels par la Haute Autorité de Santé française (HAS), en plus du « marquage CE » qui traduit le fait qu’un dispositif est conforme aux exigences applicables en Europe et qu’il a été évalué selon les procédures prévues.
En janvier 2015, le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) et la société Philips France engagent un recours contre un décret d’application de la loi « Bertrand » sur le médicament du 14 novembre 2014, qui prévoit une obligation de certification des logiciels d’aide à la prescription au regard d’un référentiel établi par la HAS à compter du 1er janvier 2015.
Philips France et le Snitem font valoir que certaines dispositions de ce décret sont contraires au droit européen et plus particulièrement à la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux. Ils soutiennent que les dispositions du décret imposeraient des obligations supplémentaires disproportionnées, non nécessaires et restreignant la libre circulation de ces logiciels d’aide à la prescription, en violation de l’article 4 de la directive qui interdit aux Etats membres « d’empêcher ou de restreindre la mise sur le marché ou la mise en service des dispositifs médicaux portant ce marquage CE ».
La CJUE est saisie en juin 2016 par le Conseil d’Etat dans le cadre de ce recours, en substance, de la question de savoir si les logiciels d’aide à la prescription sont des dispositifs médicaux au sens de la directive 93/42, et même si de tels logiciels n’agissent pas directement dans ou sur le corps humain.
La CJUE rappelle que, pour qu’un logiciel entre dans le champ d’application de la directive et soit considéré comme un dispositif médical, il doit satisfaire à « deux conditions cumulatives tenant respectivement à la finalité poursuivie et à l’action produite ».
1. La première condition cumulative de la finalité poursuivie
Selon la Cour, un « dispositif médical doit être destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins, notamment, de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie, ainsi que de diagnostic, de contrôle, de traitement, d’atténuation ou de compensation d’une blessure ou d’un handicap ».
La CJUE poursuit, « un logiciel qui procède au recoupement des données propres du patient avec les médicaments que le médecin envisage de prescrire et est, ainsi, capable de lui fournir, de manière automatisée, une analyse visant à détecter, notamment, les éventuelles contre-indications, interactions médicamenteuses et posologies excessives, est utilisé à des fins de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie et poursuit en conséquence une finalité spécifiquement médicale, ce qui en fait un dispositif médical ».
Cela exclut donc un simple logiciel d’archivage ou de stockage des données du patient, un logiciel se limitant à indiquer au médecin traitant le nom d’un générique du médicament envisagé, ou un « logiciel destiné à faire état des contre-indications mentionnées par le fabricant de ce médicament dans sa notice d’utilisation ».
2. La seconde condition cumulative de l’action produite
La CJUE observe ensuite que, sur la condition tenant à l’action produite, la directive n’exige pas qu’un dispositif médical « agisse directement dans ou sur le corps humain » pour être considéré comme tel. Ainsi, il « importe peu que, pour être qualifiés de dispositif médical, les logiciels agissent directement ou non sur le corps humain, l’essentiel étant que leur finalité soit spécifiquement » à visée médicale.
La CJUE en déduit « qu’un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins notamment de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens [de la directive] et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain ».
3. Le cas des logiciels médicaux hybride
La CJUE précise enfin, s’agissant des cas où le logiciel médical comprend plusieurs modules dont certains ne répondent pas à la définition du dispositif médical, en s’appuyant sur les lignes directrices de la Commission européenne, que le fabriquant devra apposer le marquage CE sur les seuls modules assimilés à un dispositif médical.
En toute logique, la procédure devant le Conseil d’Etat devrait se traduire par une invalidation, a minima partielle, du décret du 14 novembre 2014 relatif à la certification des logiciels d’aide à la prescription médicale compte tenu des observations des juges européens. Notons que dans ce cas, le gouvernement devra réviser le décret.