Défilez vers le bas
Le Radar DS

Contrat de leasing automobile conclu hors établissement : pas de droit de rétractation pour le consommateur

29 février 2024

Le Radar DS

Dans un arrêt rendu sur question préjudicielle le 21 décembre 2023[1], la Cour de Justice de l’Union Européenne précise que, lorsqu’un consommateur conclut avec un établissement bancaire un contrat de leasing automobile, sans obligation d’acheter le véhicule à la fin de la période, il ne bénéficie pas de droit de rétractation, sous réserve qu’il s’agisse bien d’un contrat conclu hors-établissement.

Il s’agissait en l’occurrence d’un contrat de leasing d’un véhicule conclu par un consommateur, pour un usage exclusivement privé, avec un établissement bancaire et par l’intermédiaire d’un concessionnaire automobile.

Dans son raisonnement, la CJUE écarte tout d’abord l’application du droit de rétractation prévu par la Directive de 2008[2] en matière de crédit aux consommateurs, dès lors que le contrat de leasing sans obligation d’achat, qui répond à la définition de contrat de crédit-bail (ou LOA), ne rentre pas dans le champ d’application de cette Directive.

La CJUE écarte ensuite l’application du droit de rétractation prévu par la Directive de 2002[3] sur la commercialisation à distance des services financiers, considérant que les conditions d’application de cette Directive ne sont pas réunies par le contrat de leasing sans obligation d‘achat, dès lors qu’il n’a pas pour objet de fournir un service ayant trait à la banque ou un service ayant trait au crédit.

La CJUE considère en revanche que le contrat de leasing dont il est question entre dans le champ d’application de la Directive de 2011 relative aux droits des consommateurs – et donc potentiellement  du droit de rétractation prévu pour les contrats conclus à distance ou hors établissement – dès lors que le contrat entre dans la définition de contrat de service prévue par ladite Directive (à savoir : « tout contrat autre qu’un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paye ou s’engager à payer le prix de celui-ci »).

La Cour écarte cependant la qualification de contrat à distance pour ledit contrat de leasing, dans la mesure où, quand bien même le contrat a été signé par le consommateur grâce à une technique de communication à distance, il était présent physiquement en concession automobile, durant la phase préparatoire, en présence du concessionnaire mandaté par la banque pour répondre à ses questions et préparer le contrat.

Reste à savoir si le contrat de leasing peut être qualifié de contrat hors-établissement, ce qui suppose de vérifier, d’après la Cour, si le consommateur « moyen, normalement informé et raisonnablement attentif » pouvait s’attendre, en se rendant chez le concessionnaire automobile, à faire l’objet d’une sollicitation commerciale de la part de l’établissement bancaire, par l’intermédiaire du concessionnaire, et qu’il était clair que le concessionnaire agissait à ce titre au nom et pour le compte de l’établissement bancaire. Si la réponse est positive, alors le contrat ne pourra pas être qualifié de contrat hors-établissement, ce qui sera a priori le cas dans la plupart des situations en matière de leasing automobile.

Si toutefois, au vu des circonstances de sa conclusion, le contrat de leasing peut être qualifié de contrat conclu hors-établissement, la CJUE écarte alors le bénéfice de tout droit de rétractation.

La CJUE rattache cette exclusion à l’exception prévue par l’article 16 de la Directive, et transposée à l’article L 221-28, 12° du Code de la consommation, écartant tout droit de rétractation pour les contrats de prestation de service de location de voitures qui doivent être fournis à une date ou à une période déterminée.

La Cour relève que le texte ne distingue pas entre les locations de voiture à courte ou à longue durée, rappelant en outre que le consommateur, dans le cadre d’un contrat de leasing, choisit les spécifications du modèle de véhicule. Prenant ainsi en compte des paramètres économiques, la Cour explique que le professionnel « pourrait, dans le cas où un droit de rétractation serait reconnu au consommateur, rencontrer des difficultés à réaffecter, sans subir à cet égard des inconvénients disproportionnés, le véhicule spécialement acquis à la demande du consommateur pour répondre aux spécifications de ce dernier. En effet, en fonction, notamment, de la marque, du modèle, du type de moteur, de la couleur de la carrosserie ou de l’intérieur du véhicule ou encore des options dont celui-ci est équipé, le professionnel pourrait ne pas réussir, dans un délai raisonnable suivant l’exercice du droit de rétractation, à affecter le véhicule à une autre utilisation équivalente pour la période correspondant à la durée du leasing originellement prévue, sans subir un dommage économique important »[4].

La CJUE ajoute que cette interprétation est cohérente avec une autre exception au droit de rétractation prévue en cas de « fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés »[5],quitémoigne selon elle « de la volonté du législateur de l’Union d’exclure le droit de rétractation dans les cas où un bien a été fabriqué ou confectionné selon des spécifications précises du consommateur, ce qui est le cas lorsqu’un véhicule neuf est commandé selon les spécifications précises du consommateur en vue d’une utilisation dans le cadre d’un contrat de leasing ».

Si l’impact de cet arrêt paraît à ce jour limité en matière automobile, dès lors qu’au vu de la pratique, un consommateur qui se rend en concession automobile peut raisonnablement s’attendre à se voir proposer par le concessionnaire, un contrat de leasing (crédit-bail ou Location action d’achat) avec l’établissement bancaire lié à la marque du véhicule choisi, la solution retenue par la CJUE, applicable également aux Locations longues durées (LLD) aura en revanche son importance dans le développement à venir des ventes à distance de véhicules et des contrats associés.

Le raisonnement de nature plus économique de la CJUE relevé ci-dessus permet en effet de s’interroger plus largement sur l’application du droit de rétractation aux ventes, à distance ou hors établissement, de véhicules neufs, confectionnés par définition selon des spécifications précises du consommateur, quand bien même ils ne seraient pas destinés à un leasing.


[1] CJUE 21 déc. 2023, BMW BANK, aff. C-38/21

[2] Directive 2008/48/CE

[3] Directive 2002/65/CE

[4] Point 199 de l’Arrêt

[5] Article L 221-28 3°

ds
Publications

Parcourez la très grande variété de publications rédigées par les avocats DS.

ds
ds
À la Une

Suivez la vie du cabinet, ses actions et ses initiatives sur les 4 continents.

ds
ds
Événements

Participez aux évènements organisés par DS Avocats à travers le monde.

ds