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La fin de l’incertitude quant aux modalités de fixation des indemnités d’expropriation en absence de réponse des expropriés

18 mars 2024

Brève de la décision de la Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 février 2024 – n° 22-16.462

La Cour de cassation a récemment levé une ambiguïté sur l’interprétation des dispositions de l’article R. 311-22 code de l’expropriation.

Par une décision en date du 15 février 2024, la Haute juridiction a réaffirmé les principes encadrant les modalités et les pouvoirs du juge quant à la fixation des indemnités d’expropriation par le juge et levé une ambiguïté quant à l’interprétation des dispositions de l’article R. 311-22 code de l’expropriation.

Pour rappel, le 1er alinéa de l’article R. 311-22 du code de l’expropriation limite les pouvoirs du juge qui ne peut statuer que « dans la limite des prétentions des parties, telles qu’elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l’expropriant. ».

Il ressort de ces dispositions :

  • d’une part, un principe d’interdiction de statuer hors des prétentions des parties,
  • d’autre part, l’interdiction de retenir l’évaluation du Commissaire du gouvernement à moins que celle-ci soit inférieure à l’offre de l’autorité expropriante.

Ces dispositions ne posent pas de difficulté d’interprétation quant à l’interdiction de statuer infra petita. En effet, la Cour de cassation considère depuis longtemps que le juge de l’expropriation ne peut fixer une indemnité inférieure à celles offerte par l’autorité expropriante et par le Commissaire du Gouvernement (Cour de cassation – Troisième chambre civile 8 novembre 1977 / n° 76-70.357).

En revanche, il subsistait une ambiguïté quant à l’interprétation de l’alinéa 3 de l’article, qui prévoit que « Si l’exproprié s’est abstenu de répondre aux offres de l’administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l’indemnité d’après les éléments dont il dispose. ».

En effet, la formulation malheureuse de cet alinéa pouvait laisser penser que, dès lors que les expropriés se sont abstenus de répondre, le juge est libre de statuer d’après l’ensemble des éléments dont il dispose sans être limité par les dispositions de l’alinéa 1 précitées.

Compte tenu de cette ambiguïté, la jurisprudence n’est pas unanime. Certaines juridictions estimaient qu’elles étaient libres de retenir l’évaluation du Commissaire quand bien même elle serait supérieure à l’offre de l’autorité expropriante, tandis que d’autres estimaient au contraire être liées par l’offre de l’autorité expropriante.

La Cour de cassation ne s’est prononcée sur la question que récemment.

Par une décision en date du 23 septembre 2020, elle a considéré que le juge de l’expropriation ne peut tenir compte de l’évaluation proposée par le commissaire du gouvernement dès lors qu’elle est supérieure à celles de l’expropriant et des expropriés (Cour de cassation, 3e chambre civile, 23 Septembre 2020 – n° 19-20.633).

Dans le prolongement de la jurisprudence précitée, la Haute juridiction a confirmé cette interprétation par un arrêt en date du 15 février 2024 (Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 Février 2024 – n° 22-16.462).

Dans cette affaire, les expropriés n’avaient ni interjeté appel ni conclu en cause d’appel. Le Commissaire du gouvernement, appelant incident, avait proposé une estimation supérieure à celle de l’autorité expropriante.

La Cour de cassation est venue casser la décision de la Cour d’appel qui avait retenu l’évaluation du Commissaire du Gouvernement :

« Vu l’article R. 311-22, alinéa 1er, du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :

12. Selon ce texte, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu’elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l’expropriant.

13. Pour augmenter les indemnités d’expropriation fixées en première instance, l’arrêt retient l’évaluation proposée par le commissaire du gouvernement, appelant incident, supérieure à celle de l’expropriante.

14. En statuant ainsi, alors que les expropriés n’avaient pas interjeté appel, principal ou incident, la cour d’appel a violé le texte susvisé. » (Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 Février 2024 – n° 22-16.462).

Ainsi, cette décision de la Haute juridiction confirme qu’en absence de réponse des expropriés, le juge de l’expropriation ne peut retenir l’évaluation du Commissaire du gouvernement si celle-ci est supérieure à l’offre de l’autorité expropriante.

Cet arrêt devrait mettre définitivement fin aux divergences des décisions des juridictions du fond.

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