Par un arrêt en date du 6 décembre 2016, la Haute juridiction a considéré que si la marque verbale « vente-privee.com » était dépourvue de caractère distinctif (condition de validité) au moment de son dépôt, elle l’avait cependant et indéniablement acquis par l’usage.
Créée en 2001, la société Vente-privee.com, plateforme qui organise des ventes sur son site internet via le nom de domaine « vente-privee.com », a déposé le 16 janvier 2009 la marque verbale « vente-privee.com ». Considérant que cette marque était dépourvue de caractère distinctif, son concurrent Showroomprive.com l’a assigné, le 5 septembre 2012, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris en nullité de la marque verbale « vente-privee.com ».
Rappelons en effet que pour être valable, toute marque doit être distinctive, licite, disponible et ne pas être déceptive (de nature à induire le public en erreur). La marque est en effet définie par le Code de la propriété intellectuelle (CPI) comme « un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale » (art. L. 711-1 CPI) de ceux qui sont proposés par ses concurrents. En principe, la distinctivité du signe doit être appréciée au moment du dépôt de la marque et ce caractère s’apprécie en fonction des services et produits pour lesquelles la marque a été déposée.
Cependant, en application de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, l’article L. 711-2 CPI dispose que « le caractère distinctif peut (…) être acquis par l’usage ». En pratique, la jurisprudence apprécie globalement le caractère distinctif par l’usage en retenant notamment comme critère l’usage constant de la marque, la durée de l’usage de la marque, les parts de marchés détenues par la société titulaire de la marque ainsi que les efforts promotionnels pour développer et promouvoir la marque.
Ainsi, dans son jugement du 28 novembre 2013, le Tribunal de Grande Instance de Paris a considéré que la marque « vente-privee.com » était dépourvue de caractère distinctif pour certains services de la classe 35 (notamment les services de ventes promotionnelles permettant aux clients d’acheter en ligne des produits et services de tiers) et l’a donc annulée.
La société Vente-privee.com formé appel de ce jugement et dans un arrêt du 31 mars 2015, la Cour d’appel de Paris a infirmé ce dernier, considérant que la marque vente-privee.com avait acquis un caractère distinctif par l’usage.
Showroomprivee.com s’est enfin pourvu en cassation et la Haute juridiction a considéré, dans son arrêt du 6 décembre 2016, que la Cour d’appel de Paris « « a pu déduire que la marque verbale « vente-privee.com » avait acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers et de présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ainsi que des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site web marchand, désignés à son enregistrement ».
Il est désormais acquis qu’un signe dépourvu du caractère distinctif au moment de son dépôt, susceptible par définition d’être annulé, peut néanmoins conférer une véritable protection à son titulaire grâce à une habile stratégie marketing qui s’inscrit dans le temps, et ce afin que le signe en cause devienne pour le consommateur un vecteur d’identification de la société titulaire.
Ainsi, l’optimisation de la présence d’une marque dans l’esprit du consommateur, notamment grâce au déploiement massif d’une stratégie de branding, peut avoir pour conséquence juridique de régulariser a posteriori un signe en lui conférant le critère de distinctivité qui lui faisait défaut au moment du dépôt.