Au 1er janvier 2022 est entrée en vigueur l’Ordonnance n°2021-1247 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques [1].
Cette Ordonnance a été complétée par un Décret d’application publié le 30 juin 2022 [2] , qui est entré en vigueur le 1er octobre 2022 et qui apporte des précisions sur les nouvelles obligations mises à la charge du professionnel au titre de la garantie légale de conformité.
La réforme ainsi opérée soulève toutefois quelques problématiques notamment du fait de l’imprécision des textes.
L’adaptation de l’obligation d’information précontractuelle
Ainsi qu’il l’est indiqué dans son préambule, l’objet du Décret est l’« information des consommateurs relative à la garantie légale de conformité des biens et des contenus et services numériques, et les modalités de sa mise en œuvre », en vue d’adapter l’obligation générale d’information précontractuelle à la modernisation de la garantie légale de conformité des biens et à la création d’une garantie légale de conformité pour la fourniture de contenus numériques et de services numériques.
Le Décret précise ainsi le contenu et les modalités de l’information due au consommateur par tout professionnel vendeur d’une part, et par tout producteur de biens comportant des éléments numériques d’autre part.
Les obligations d’information à la charge du professionnel vendeur
Au titre des obligations d’information à la charge du professionnel vendeur, le Décret apporte notamment les précisions suivantes :
➢ L’obligation pour tout professionnel d’utiliser désormais les termes « garantie légale » et « garantie commerciale » (article R 111-1) ainsi que l’intitulé « Contrat de garantie commerciale » pour toute garantie contractuelle (artice D 217-2-I).
➢ L’obligation pour le professionnel d’insérer dans ses conditions générales de vente, d’une part, et dans les conditions de sa garantie commerciale d’autre part, un encadré spécifique sur les modalités de mise en œuvre des garanties légales, dont le modèle est fourni en Annexe du Décret (articles D 211-2 et D 217-2-I).
➢ L’obligation pour le professionnel d’indiquer dans ses conditions générales de vente le nom du professionnel répondant des garanties légales et commerciales, ses coordonnées postales et téléphoniques ainsi que son adresse électronique ou tout moyen de contact numérique pertinent permettant au consommateur de solliciter la mise en œuvre des garanties (article D 211-1).
➢ L’obligation pour le professionnel vendeur d’indiquer au consommateur les modalités pratiques du renvoi du bien si sa mise en conformité ne peut intervenir sur le lieu où le bien se trouve.
Le nouvel article D 217-1 du Code de la consommation précise à ce titre que le consommateur « ne peut être tenu d’assurer, ni prendre en charge le transport du bien hors envoi postal ».
Cette nouvelle obligation est introduite en application de l’article L 217-10 du Code de la consommation, aux termes duquel « La réparation ou le remplacement du bien non conforme inclut, s’il y a lieu, l’enlèvement et la reprise de ce bien et l’installation du bien réparé ou du bien de remplacement par le vendeur. »
- A la différence des articles précités, le nouvel article D 217-1 ne précise pas à quel moment et sur quel support cette information doit être transmise au consommateur. Au sein de la partie réglementaire du Code de la consommation, cet article figure d’ailleurs dans la Section 1 portant sur la « Mise en œuvre de la garantie légale de conformité » du Chapitre VII sur l’« Obligation de conformité dans les Contrats de vente de biens » et non dans le Chapitre Ier relatif à la « Présentation des contrats », dans lequel on retrouve les autres nouveaux articles introduits par le Décret.
- A cette incertitude s’ajoutent des questions liées à la mise en œuvre pratique de cette obligation : est-ce que cela signifie que le professionnel doit rembourser au client tous frais, quel qu’en soit le montant, occasionnés par le renvoi du bien (ex : les frais de carburant du client qui rapporte son véhicule en atelier dans le cadre d’une campagne de rappel) ? Le professionnel peut-il plafonner ce montant ou imposer certaines modalités ? Qu’en est-il si le client refuse les modalités pratiques proposées par le professionnel ?
➢ L’obligation pour le professionnel de préciser dans sa garantie commerciale en quoi elle s’applique « en sus des droits dont bénéficie le consommateur au titre de la garantie légale de conformité pendant toute la durée de celle-ci » (article D 217-2-I).
➢ L’obligation pour le vendeur de mettre à disposition du consommateur, « sans frais, de manière lisible et compréhensible sur un support durable accompagnant la vente », les informations qui lui sont transmises par le producteur de biens comportant des éléments numériques, ci-dessous développées.
Les obligations d’information à la charge du producteur de biens comportant des éléments numériques
➢ Aux termes de l’article L 111-6 du Code de la consommation, le producteur de biens comportant des éléments numériques doit un certain nombre d’informations au vendeur, charge à ce dernier de les répercuter au consommateur préalablement à la vente (cf. ci-dessus).
En application de cet article, le Décret apporte les précisions suivantes (article D 111-5-1) :
❯ L’obligation d’information du producteur à l’égard du vendeur porte sur les informations suivantes :
- Les logiciels du bien faisant l’objet des mises à jour, y compris les mises à jour de sécurité ;
- La durée de fourniture de ces mises à jour ou la date à laquelle cette fourniture prend fin ;
- Les conséquences possibles, en l’état de ses connaissances, des mises à jour fournies au-delà de la durée ou de la date mentionnée au 2° sur les performances du bien et notamment sur l’espace de stockage disponible, la disponibilité de la mémoire vive ou la durée de vie de la batterie.
❯ Cette information doit être transmise au vendeur « sans frais ».
❯ Il appartient au producteur d’informer le vendeur « sans retard injustifié et sur support durable » de toute évolution de ces informations.
- L’information de la durée de fourniture des mises à jour n’est pas sans impact puisque conformément à l’article L 217-3 du Code de la consommation, la garantie légale de conformité est applicable au contenu ou au service numérique tout au long de la période de fourniture et durant ce délai, quel qu’il soit, le consommateur n’est tenu d’établir que l’existence du défaut de conformité et non la date d’apparition.
- Les producteurs pourraient être dès lors tentés, par précaution, de s’engager sur des périodes de fourniture relativement courtes au détriment de l’intérêt commercial du produit.
Aux termes de l’article L 211-6 précité, le producteur a également une obligation d’information directement à l’égard du consommateur, avant l’installation de toute mise à jour (article D 111-5-3).
Le Décret liste à ce titre les informations précises que le producteur doit communiquer « sans frais » au consommateur et précise la possibilité pour le producteur d’indiquer un site internet ou une application mobile où les informations restent disponibles après l’installation de la mise à jour.
➢ Au vu de ce qui précède, on est en droit de s’interroger : ces nouvelles obligations d’information ne soulèvent-elles pas par ailleurs une problématique d’efficience de l’information précontractuelle ainsi due au consommateur ? Les nouvelles obligations d’information à la charge du professionnel vont en effet nécessairement alourdir les documents accompagnant la vente d’un bien, ce qui ne va pas encourager le consommateur à en prendre connaissance préalablement à son achat.
La réforme soulève en outre une problématique dans la mise en œuvre de l’extension de garantie légale imposée au professionnel par la réforme.
Les incertitudes dans la mise en œuvre de l’extension de la garantie de conformité
Aux termes du nouvel article L 217-13 du Code de la consommation issu de l’Ordonnance du 29 septembre 2021 : « tout bien réparé dans le cadre de la garantie légale de conformité bénéficie d’une extension de cette garantie de six mois ».
Ce nouveau droit pour le consommateur est expressément reproduit dans l’encadré spécifique qui doit désormais être inséré dans les conditions générales de vente et les conditions de garantie des professionnels (cf. ci-dessus).
Ni l’ordonnance, ni le Décret ne précisent cependant si un consommateur peut bénéficier à plusieurs reprises d’une extension de 6 mois, dans l’hypothèse où il ferait réparer son bien plusieurs fois pendant la période de garantie de conformité, ce qui n’est pas sans impact lorsqu’il s’agit pour le professionnel de déterminer la durée globale de sa garantie.
Cette extension automatique de la garantie légale suppose en outre de déterminer si une réparation sur le bien est effectuée au titre de la garantie légale de conformité ou au titre de la garantie commerciale, ce qui n’est pas évident en pratique.
Il est en tout état de cause recommandé pour un professionnel de ne pas considérer une intervention comme relevant automatiquement de la garantie commerciale, au risque de priver le consommateur du bénéfice de l’extension de garantie désormais prévue par la loi.
Enfin, une problématique non négligeable est que les nouveaux textes ne précisent pas si en cas d’extension de la garantie de conformité, la présomption d’antériorité du défaut de conformité dont bénéficie le consommateur est également étendue le temps de l’extension de la garantie.
Aux termes de l’article L 217-7 du Code de la consommation : « Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la délivrance du bien, y compris du bien comportant des éléments numériques, sont, sauf preuve contraire, présumés exister au moment de la délivrance, à moins que cette présomption ne soit incompatible avec la nature du bien ou du défaut invoqué. »
Qu’en est-il de cette présomption en cas d’extension de la garantie légale de conformité ?
Si l’on considère que l’extension de la garantie est un prolongement de la garantie initiale, on peut penser qu’elle sera soumise aux mêmes conditions de preuve favorables au consommateur.
Toutefois, aucun texte ne le précise, alors que l’article L 217-7 indique au contraire expressément pour les contenus numériques que la présomption d’antériorité est calquée sur la période de fourniture annoncée du contenu numérique, si cette période est supérieure à 2 ans.
Par ailleurs, la durée de la présomption d’antériorité pour les biens d’occasion (6 mois) est décorrélée de la durée de la garantie de conformité (2 ans), ce qui pourrait donc également être le cas dans le cadre de l’extension de la garantie de conformité.
Ainsi, à défaut d’un arrêté qui apporterait des précisions complémentaires, il appartiendra à la jurisprudence de répondre aux problématiques soulevées par la mise en œuvre concrète de la réforme de la garantie légale de conformité.
Notes
1. Ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021
2. Décret 2022-946 du 29 juin 2022 relatif à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques