Dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, les garanties attachées à un bien, objet de ventes successives, le suivent en tant qu’accessoire et permettent au sous-acquéreur d’agir à l’encontre du ou des vendeurs intermédiaires, et donc à l’encontre du vendeur initial, c’est-à-dire le fabricant (ou l’importateur), dans le cadre d’une action directe.
Cette action directe est nécessairement de nature contractuelle.
Ce principe a été posé de longue date, depuis un arrêt rendu dans une affaire automobile1 dans lequel la Cour de cassation avait cassé un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que le lien entre le sous-acquéreur et le fabricant (importateur) était de nature quasi-délictuelle, conformément à l’article 1383 (ancien) du Code civil.
Alors que dans l’affaire Lamborghini, la chaine de contrats était homogène (contrats de vente successifs), la Cour de cassation a ensuite jugé une affaire de construction dans laquelle la chaine de contrats était hétérogène (contrats d’entreprise et contrats de vente) et a rendu à cette occasion, en Assemblée Plénière, un arrêt de principe2 confirmant la nature nécessairement contractuelle de l’action directe du sous-acquéreur : « le maître de l’ouvrage comme le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ».
Cependant, pour que l’action aboutisse, le demandeur – sous-acquéreur ou vendeur intermédiaire – doit prouver un lien contractuel direct avec le vendeur originaire, c’est-à-dire le fabricant ou l’importateur. Si l’importateur n’est pas intervenu dans la chaine des ventes, le sous-acquéreur ne dispose d’aucune action contractuelle directe à son encontre.
La Cour d’appel de Bordeaux vient de rappeler ce principe dans un arrêt rendu le 3 octobre 20193, à l’occasion d’une affaire automobile.
Dans l’espèce ayant donné lieu à la décision précitée, un acquéreur a fait l’acquisition d’un véhicule neuf auprès d’un distributeur de la marque SSANGYONG (le vendeur). Dans la perspective de cette vente, le vendeur avait directement importé le véhicule auprès d’un revendeur suédois. Autrement dit, le véhicule n’avait pas été importé en France par l’importateur français de la marque, mais l’avait été au travers d’un canal parallèle.
Lorsque des dysfonctionnements ont été observés, l’acquéreur en a informé son vendeur (tenu à ce titre à la garantie des vices cachés, conformément à l’article 1641 du Code civil) et a sollicité la réparation de son véhicule. Le vendeur a refusé de procéder à la réparation du véhicule et a renvoyé l’acquéreur vers l’importateur français de la marque.
L’importateur français qui n’avait pas importé le véhicule sur le territoire français a refusé de garantir l’acquéreur et le vendeur, et a eu gain de cause en première instance quand bien même le Tribunal a prononcé la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Aux termes de l’arrêt précité, qui confirme la jurisprudence désormais constante en la matière4,5,6,7,8, la Cour d’appel confirme la décision rendue par les juges du fond.
En premier lieu, l’arrêt rappelle clairement le principe de l’absence de responsabilité contractuelle de l’importateur lorsqu’il n’est pas intervenu dans la chaine des ventes, la Cour d’appel jugeant en l’espèce que l’importateur officiel des véhicules de marque SSANGYONG pour la France n’avait aucun lien contractuel avec le vendeur du véhicule.
La Cour a en outre relevé que dans cette affaire, l’importateur et le vendeur étaient de fait deux sociétés concurrentes, puisque le vendeur était une société importatrice de véhicules indépendante.
Une fois la question de la responsabilité contractuelle tranchée, la Cour d’appel de Bordeaux s’est prononcée sur celle de la responsabilité délictuelle de l’importateur, qui était également invoquée par le vendeur.
En effet, dans cette affaire, le vendeur soulevait, subsidiairement et sur un fondement délictuel, la responsabilité de l’importateur français de la marque SSANGYONG en raison de ce que celui-ci avait délivré le certificat de conformité permettant l’immatriculation du véhicule.
Sur ce second point, la Cour a jugé que la seule délivrance d’un certificat de conformité aux acquéreurs ne permet nullement de démontrer l’existence d’une faute de l’importateur à l’égard du vendeur, qui tiendrait à un défaut de conseil ou d’information sur des avaries sérielles affectant les véhicules de la marque.
Aux termes de sa motivation, la Cour relève au passage que le vendeur, en sa qualité de professionnel indépendant de vente d’automobiles, avait en application du Règlement européen CE n°715/200, accès à toutes les informations que doit le constructeur aux opérateurs indépendants par l’intermédiaire de sites “web” dédiés », ce dont il résulte que, disposant d’une alternative, il n’était pas contraint de faire appel à cet égard à l’importateur français de la marque.
Si l’on peut désormais considérer comme tranchée au fond la question de la responsabilité de l’importateur en cas d’action au fondement de la garantie des vices cachés lorsque le véhicule n’a pas été importé par l’importateur, il reste encore à convaincre le Juge des référés …
En effet, au stade du référé en désignation d’expert, l’importateur appelé dans la cause alors qu’il n’a pas importé le véhicule ne parvient pas toujours à obtenir du Juge qu’il l’écarte des opérations d’expertise à venir, l’argument n’étant pas systématiquement considéré comme constituant un motif légitime pour être écarté des mesures d’instruction sollicitées.
Cet article a été rédigé par l’équipe Viginti Avocats.
Notes
1Cass 9 octobre 1979, Lamborghini c. Paris Monceau, Bull Civ 1, n°241, D. 1980, IR 222
2Cass Ass. Plén., 7 février 1986
3CA Bordeaux – RG 17/01936
4CA Nîmes 1er chambre B, 22 juin 2010
5TGI d’Albertville 4 septembre 2007
6CA de Toulouse 27 mars 2012.
7CA de Montpelier 15 octobre 2015.
8CA de Versailles – 12ème Ch – RG 2012F00219