L’expert désigné en application de l’article 1843-4 peut obtenir, en référé, les documents nécessaires à l’exécution de sa mission. A l’occasion d’un arrêt récent, la chambre commerciale de la Cour de cassation a complété sa jurisprudence sur les modalités de détermination des droits sociaux en présence d’un expert intervenant dans le cadre de l’article 1843-4 du Code civil.
Contexte
En l’espèce, une clause statutaire d’une SAS prévoyait le rachat des actions d’un associé ayant quitté ses fonctions de salarié ou de mandataire social selon des modalités définies par l’assemblée générale des associés. L’assemblée se réunit, fixe arbitrairement un prix de cession qui est contesté par l’associé retrayant. Ce dernier demande en justice la désignation d’un expert en application de l’article 1843-4 du Code civil estimant que le prix de cession de ses actions qui lui avait été notifié n’était ni déterminé ni déterminable.
Un refus de communication des documents essentiels
L’expert, désigné par le tribunal de commerce statuant en référé, se heurte dans l’exécution de sa mission au refus de la société de lui communiquer les comptes sociaux et les rapports de gestion couvrant la période portant sur les exercices 2014 à 2020. L’associé retrayant assigne donc la société, en référé, pour obtenir la communication des documents sollicités par l’expert.
La cour d‘appel sanctionne l’entrave à l’expertise
La cour d’appel de Paris confirme la décision des premiers juges en estimant que l’obstruction systématique de la société à la mesure d’expertise s’analyse en une entrave à l’exécution d’une décision de justice définitive et constitue donc un trouble manifestement illicite.
La Cour de cassation confirme le droit à l’accès aux documents
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel en rappelant que la combinaison des articles 873 du Code de procédure civile et de l’article 1843-4 du Code civil, dans l’hypothèse de statuts ou de convention ne fixant les règles de valorisation des actions mais simplement les modalités, permet d’obtenir en référé la communication des pièces nécessaires à la mission de l’expert.
Cette décision est intéressante à un double titre.
Tout d’abord, elle valide le recours à la procédure de référé en considérant que l’obstruction systématique à une décision de justice constitue un trouble manifestement illicite, condition indispensable pour entrer dans le champ d’application de l’article 873 du Code de procédure civile ; sur ce point, la décision de la haute juridiction est novatrice car on sait que le trouble manifestement illicite n’est pas facile à caractériser pour justifier la compétence du juge des référés ; d’autre part, elle considère que la procédure d’expertise prévue par l’article 1843-4 du Code de procédure civile bénéfice d’un régime indépendant par rapport aux règles réglementant l’expertise judiciaire prévues dans le Code de procédure civile aux articles 263 à 284 dudit Code et ce en contradiction avec une décision récente de la chambre civile de la Cour de cassation2.
Conclusion
On ne peut donc qu’approuver la possibilité offerte par la Cour de cassation de recourir à une procédure de référé en cas de difficultés rencontrées par un expert agissant dans le cadre de l’article 1843-4, moyen incontestable d’accélération de ce type de procédure même s’il faut noter qu’au cas d’espèce la nomination dudit expert avait pris cinq longues années de procédure judiciaire.
Une question sur le sujet ?
Vice président de DS Avocats et associé en Droit des Sociétés, Arnaud Burg intervient dans le domaine des fusions-acquisitions et du financement structuré. Il met cette double compétence au service des entrepreneurs qu’il accompagne dans leurs opérations de croissance externe, de haut de bilan ou de transmission.