Dans un arrêt du 7 septembre 2016, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu une décision très attendue en matière de vente liée.
En l’espèce, un particulier a acheté un ordinateur portable Sony pré-équipé de certains logiciels mais a refusé de souscrire le « contrat de licence utilisateur final » comme le nécessitait la mise en marche du système d’exploitation. Ne souhaitant pas bénéficier des logiciels pré installés, le consommateur a donc demandé leur remboursement à Sony, qui a refusé, faisant valoir que l’ordinateur et les logiciels étaient indissociables. Sony a proposé une solution alternative : l’annulation de la vente, à savoir le remboursement total du prix d’achat de l’ordinateur, en échange de la restitution du produit ; offre que le requérant a décliné.
Le requérant a donc fait assigner Sony en paiement d’une indemnité de 450€ pour les logiciels pré installés, et 2 500€ pour le préjudice subi du fait de pratiques commerciales déloyales. Ayant été débouté de toutes ses demandes devant les juridictions de fond, le requérant s’est pourvu en cassation, et la Cour de cassation a par la suite sursis à statuer pour poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.
Tout d’abord, la Cour de cassation s’est interrogée sur le fait de savoir si l’offre de vente conjointe d’un ordinateur équipé de logiciels pré installés constitue ou non une pratique commerciale déloyale, dès lors que le consommateur n’a pas d’autre choix que (i) d’accepter les logiciels pré installés, (ii) de révoquer la vente, ou (iii) d’acheter du matériel auprès d’un autre fabricant qui proposerait un matériel non équipé de logiciels.
Sur ce point, la CJUE rappelle que l’article 5 §2 de la directive 2005/29 définit la pratique commerciale déloyale comme étant toute pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle », qui « altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse ». En application de la jurisprudence de la CJUE Trento Sviluppo et Centrale Adriatica du 19 décembre 2013
, ces deux critères sont cumulatifs et doivent donc être réunis pour que la pratique commerciale puisse être considérée comme déloyale.
S’agissant des exigences de diligence professionnelle, en l’espèce l’offre de vente conjointe par Sony d’un ordinateur équipé de logiciels pré installés répond à une demande de la majorité des consommateurs, qui préfèrent acheter un ordinateur pré-équipé à un matériel indépendant. En outre, lors de l’achat, l’information est donnée au consommateur quant aux logiciels pré installés ainsi que leurs caractéristiques. Enfin, si l’acquéreur ne souhaite pas souscrire la licence d’utilisation du système d’exploitation, la révocation de la vente est toujours possible.
Par conséquent, la CJUE a considéré que le professionnel n’avait pas manqué aux exigences de loyauté auxquelles il est soumis.
S’agissant ensuite d’une possible altération du comportement économique du consommateur, selon les termes de l’article 2 de la directive 2005/29, il convient de vérifier que la pratique commerciale n’a pas compromis « sensiblement son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause et de l’amener par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ». En l’espèce, le consommateur a été dûment informé que l’ordinateur en question n’était pas commercialisé sans logiciels pré installés. La CJUE invite donc les juridictions nationales à vérifier in concreto si l’aptitude à prendre une décision commerciale n’a pas été remise en cause.
La CJUE en conclut qu’une offre conjointe d’un ordinateur équipé de logiciels pré installés ne constitue pas « en tant que telle » une pratique commerciale déloyale. Cela implique donc qu’une juridiction nationale pourrait considérer qu’une offre de vente conjointe d’un ordinateur équipe de logiciels pré installés constitue une pratique commerciale déloyale si l’information donnée au consommateur n’était pas suffisante.
La Cour de cassation a également interrogé la CJUE sur le fait de savoir si l’offre de vente conjointe d’un ordinateur équipé de logiciels pré installés constitue une pratique commerciale trompeuse dès lors que le fabriquant ne donne aucune indication quant au prix de chacun des éléments de la vente.
Sur ce second point, la CJUE rappelle que l’article 7 de la directive 2005/29 vise les pratiques commerciales trompeuses en ces termes : « une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans un contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. » La directive prévoit également qu’est substantielle l’information sur le prix, toutes taxes comprises. Par conséquent, la CJUE en déduit que le professionnel n’a l’obligation que d’afficher le prix global du produit, et non son détail.
En l’espèce, la Cour a considéré que dans un contexte d’une offre de vente conjointe d’un ordinateur pré équipé de logiciels, l’absence d’indication des différents éléments du prix n’était pas de nature à empêcher le consommateur de prendre une décision commerciale « en connaissance de cause ».