Par un arrêt du 10 février 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation valide la preuve rapportée par les SMS présents dans le téléphone portable d’un salarié.
Dans cette affaire, la société Newedge reprochait à la société GFI d’avoir débauché un grand nombre de ses employés. Pour rassembler des preuves, la société Newedge avait obtenu une ordonnance pour consulter les SMS figurant sur les téléphones portables fournis par la société GFI à ses salariés. L’idée étant de recueillir des preuves devant être utilisées à l’encontre du concurrent indélicat, défendeur potentiel à un éventuel procès, et non pas vis-à-vis des salariés concernés.
Pour obtenir la rétractation de l’ordonnance, la société GFI soutenait devant la Cour d’appel que l’enregistrement d’un SMS à l’insu de l’émetteur et du destinataire constituait un mode de preuve déloyal et attentatoire à la vie privée puisque les SMS consultés n’étaient pas identifiés comme personnels. Déboutée, elle se tourne alors vers la Cour de cassation. Mais sans plus de succès.
En effet la Cour de cassation considère qu’en matière de preuve « les messages écrits envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ».
Cette décision s’inscrit donc dans la continuité de la jurisprudence actuelle en matière de preuve selon laquelle « l’enregistrement d’une communication téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue », mais « l’utilisation de tels messages [les SMS] par l’employeur ne pouvait être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectuée à l’insu de l’auteur des propos invoqués » (Cour de cassation, chambre sociale, 23 mai 2007).
Ainsi, tous les SMS présents dans le téléphone portable professionnel d’un salarié sont par défaut considérés comme ayant un caractère professionnel et sans lien avec la vie privée du salarié. En pratique, l’employeur pourra donc en prendre connaissance à l’insu du salarié et les utiliser à titre de preuve à l’encontre du salarié ou de toute autre personne, comme l’expéditeur ou le destinataire des SMS. A l’inverse, les salariés sont obligés d’indiquer de manière claire le caractère privé des SMS envoyés à partir de leurs téléphones professionnels, ce qui risque d’être assez contraignant au jour le jour.
Par conséquent, la meilleure manière de protéger la vie privée d’un salarié consiste toujours dans une stricte séparation des sphères privées et professionnelles qui est rendue de plus en plus difficile par les politiques de Bring Your Own Device qui génèrent souvent une imbrication de données personnelles et de données professionnelles difficile à démêler.
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