L’apporteur d’affaires est un intermédiaire dont la mission est de rapprocher deux personnes en vue de les amener à contracter, sans intervenir dans la négociation du contrat éventuellement envisagé. Par sa nature même, l’activité d’apporteur d’affaires peut donc paraître précaire et aléatoire puisqu’aucune des parties mises en relation par l’apporteur n’est forcée de contracter.
Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2023 par la Cour d’appel de Paris (RG n°22/10517), tel est justement l’argument que soutenait une banque pour écarter l’application de l’article L.442-1 du Code de commerce à la rupture de la relation commerciale avec son courtier en assurance et en opérations de banque. Etant donné que les clients présentés par le courtier pouvaient rejeter les offres de crédit éventuellement proposées par la banque et que le courtier n’avait aucune obligation de lui présenter des clients, la banque soutenait que la relation entre les parties ne remplissait pas le critère de stabilité posé par l’article précité.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a eu l’opportunité de préciser, s’agissant du critère de stabilité, que celui-ci « s’entend de la stabilité prévisible, la victime de la rupture devant pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial”.
En l’espèce, les relations entre les parties avaient été formalisées en 2016 par la conclusion d’une convention d’apporteur d’affaires aux termes de laquelle l’apporteur s’engageait à apporter des clients à la banque en vue de la conclusion entre ceux-ci et la banque d’un contrat de crédit immobilier. La Cour relève que la relation commerciale qui s’était nouée avait pour objet de permettre au courtier d’être apporteur d’affaires et se distinguait de la conclusion proprement dite des contrats entre les clients, démarchés par le courtier, et la banque. La relation entre le courtier et la banque présentait donc un caractère suffisamment stable et continu, ainsi qu’il en résultait du chiffre d’affaires réalisé par l’apporteur qui pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité de flux d’affaires avec la banque.
Le préavis d’un mois donné par la banque à son courtier a par conséquent été jugé insuffisant s’agissant d’une relation établie d’une durée de 3 ans et 5 mois. La Cour a fixé le préavis raisonnable à 3 mois et a condamné la banque à payer au courtier la somme de 1 584 euros à titre de dommages et intérêts.
Pour l’application de l’article L.442-1 du Code de commerce, peu importe donc le caractère précaire de l’activité de l’une des parties à la relation commerciale dès lors que ladite relation présente “un caractère suivi, stable et habituel ». Si cette solution n’est pas nouvelle, son application dans le secteur du courtage a désormais été utilement précisée par la Cour d’appel de Paris.