L’actualité est permanente lorsqu’il s’agit du processus menant vers la mise sur le marché de véhicules décarbonés à l’horizon de quelques années.
Parmi les annonces et débats récents, un focus sur les objectifs de décarbonation et l’évolution des normes visant les véhicules actuellement sur le marché.
Mise en place d’un calendrier de décarbonation pour les bus et les camions
Pour rappel, voici près d’un an (le 14 février 2023, par 340 voix pour, 279 contre), le Parlement européen a approuvé le projet de règlementation mettant fin à la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035.
Des dispositions concordantes ont plus récemment été prises concernant les bus et « poids-lourds » à moteur thermique, puisque le Parlement européen a adopté, le 21 novembre 2023 (par 445 voix pour, 152 voix contre et 30 abstentions), un texte visant à réduire fortement les émissions de carbone des véhicules lourds vendus dans l’UE (véhicules qui, en l’occurrence, génèrent plus de 6 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, et plus d’un quart des émissions du transport routier).
Pour ce qui est des camions, il ne s’agit pas d’une interdiction à date fixe de la vente de véhicules neufs, mais d’une réduction globale programmée de leurs émissions, à raison de 45% (par rapport à 2019) pour les véhicules vendus à partir de 2030, de 65% à partir de 2035, et de 90% à partir de 2040.
Dans le même temps, il a été décidé que les obligations visant à la décarbonation s’étendraient aux camions petits et moyens (incluant dès lors les bennes à ordure et les bétonnières), ceci allant de pair avec une réduction de la liste des dérogations (les véhicules de police ou de pompiers, ambulances et véhicules agricoles restent exemptés de ces dispositions).
Pour ce qui est des bus, tous nouveaux véhicules mis en service dans les villes européennes à partir de 2030 devront être « zéro émission ».
Adoption de la proposition de norme Euro 7
L’Union européenne ne se limite pas à se projeter sur des échéances à venir pour la décarbonation, totale ou partielle, des véhicules.
Elle règlemente aussi, et cela sans attendre 2030 ou 2035, les émissions des véhicules automobiles mis en vente dès à présent.
Pour rappel, par la mise en place des normes Euro 6 (automobiles et camionnettes) et Euro VI (bus, camions et autres véhicules utilitaires lourds) le 10 novembre 2022, la Commission avait opté pour des règles plus strictes en matière d’émissions de polluants atmosphériques pour les véhicules à moteur à combustion, quel que soit le carburant utilisé.
Quasiment un an après, le 9 novembre 2023, les députés européens ont approuvé le texte sur les futures normes d’émissions de polluants Euro 7 (à 329 voix pour, 230 contre et 41 abstentions).
Le nouveau règlement modifiera les limites actuelles pour les émissions d’échappement (comme les oxydes d’azote, les particules, le monoxyde de carbone et l’ammoniac), et introduira de nouvelles mesures pour réduire les émissions des pneus et des freins, ainsi que pour augmenter la durabilité des batteries.
Sont ainsi proposés : une division des émissions en 3 catégories pour les véhicules utilitaires légers, en fonction de leur poids ; des limites plus strictes d’émissions d’échappement mesurées en laboratoire et dans des conditions de conduite réelles pour les bus et les véhicules utilitaires lourds ; un alignement des méthodes de calcul et des limites européennes pour les émissions de particules des freins et les taux d’abrasion des pneus sur les normes internationales en cours d’élaboration par la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe.
Le Parlement est maintenant prêt à entamer des négociations avec les gouvernements de l’UE sur la forme finale de la loi.
A l’occasion de la présentation de la future norme Euro 7, le rapporteur Alexandr Vondra a déclaré : « Nous avons réussi à trouver un équilibre entre les objectifs environnementaux et les intérêts vitaux des fabricants. Il serait contre-productif de mettre en œuvre des politiques environnementales qui nuisent à la fois à l’industrie européenne et à ses citoyens. Avec ce compromis, nous servons les intérêts de toutes les parties impliquées et nous évitons des positions extrêmes ».
Pour autant, cette volonté affichée d’équilibre entre les objectifs des uns et les intérêts des autres n’a pas évité que des avis divergents s’expriment. Les écologistes estiment que ces mesures ne vont pas assez loin, et assez vite ; les constructeurs font valoir que ces obligations leur imposent des investissements lourds pour mettre en conformité les véhicules actuellement sur le marché, alors que des efforts considérables leur sont déjà demandés pour atteindre les objectifs de décarbonation à échéance de 2030 et 2035.
Par la voix de son actuel Président, Luca de Meo, DG de Renault, l’Association des Constructeurs Européens Automobiles (ACEA) demande d’ailleurs, publiquement, à ce que les institutions européennes cessent d’empiler les normes et manifestent une vision cohérente sur le long terme.
A ces divergences s’ajoutent des considérations politiques (l’issue des prochaines élections européennes et américaines pourrait avoir une incidence sur l’actuel calendrier de décarbonation des véhicules, voire sur le principe même de celle-ci) et budgétaires (la France poursuit une politique de bonus incitatif à l’achat de véhicules électriques[1], quand l’Allemagne vient de supprimer les bonus pratiqués jusque-là).
Le moins que l’on puisse dire est que le chemin vers le véhicule décarboné n’est pas encore dégagé…
[1] Tout en « réduisant la voilure » : le tout récent Décret du 12 février 2024 abaisse l’aide gouvernementale de 5 000 à 4 000 € pour les ménages les plus aisés (mais le majore de 3 000 € pour les personnes dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 15 400 €).
A l’égard des entreprises (« personnes morales »), le Décret diminue également de 1 000 € le montant maximal du bonus écologique applicable à l’acquisition de camionnettes neuves et supprime le bonus écologique applicable à l’acquisition de voitures particulières neuves.