La loi d’orientation et de programmation du 20 novembre 2023 opère une évolution importante dans le règlement des difficultés économiques des entreprises. Depuis le 1er janvier 2025, douze tribunaux de commerce pilotes sont devenus, pour une durée expérimentale de 4 ans, des Tribunaux des Activités Économiques (TAE), avec une compétence élargie dans le règlement des difficultés des entreprises, quelle que soit la nature de leurs activités : commerciales, civiles, agricoles, libérales. Sont concernées les (anciens) Tribunaux de commerce de Paris, Versailles, Nanterre, Auxerre, Marseille, Le Mans, Limoges, Lyon, Nancy, Avignon, Saint-Brieuc, Le Havre.
Une juridiction unique au service de tous les secteurs d’activité en difficulté
Jusqu’à présent, selon la nature de leur activité (civile, libérale, agricole, commerciale ou artisanale), les entreprises devaient se tourner soit vers le tribunal judiciaire (pour les activités civiles, libérales, agricoles), soit vers le tribunal de commerce (pour les activités commerciales). Désormais, en cas de difficultés et quel que soit le traitement recherché (procédures d’alerte, mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire), les entreprises n’auront plus à hésiter entre deux compétences juridictionnelles. Elles ont, depuis le 1er janvier 2025, un interlocuteur unique et commun : le TAE.
Cette réforme vise à simplifier et accélérer les procédures en évitant les conflits de compétence.
Un impact direct sur les baux commerciaux
Au-delà de l’élargissement des compétences du TAE à tous les secteurs d’activité en crise, la loi entrée en vigueur le 1er janvier 2025 dote son nouveau-né de compétences en matière de baux commerciaux, lesquelles relevaient jusqu’alors du domaine (presque) réservé des tribunaux judiciaires (TJ). Désormais, le TAE connaîtra de toutes les actions et contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure collective et qui présentent avec elle un lien de connexité suffisant. En d’autres termes, le justiciable ne devrait plus hésiter entre deux compétences juridictionnelles et pourra se tourner vers son interlocuteur unique, le TAE, en cas de contestation relative aux baux commerciaux dès lors que : (i) la difficulté est apparue à l’occasion de la procédure collective et (ii) cette difficulté a un lien de connexité suffisant avec la procédure collective, les deux critères étant cumulatifs.
Le gage d’une simplification procédurale ?
Cette évolution législative doit permettre d’éviter l’éclatement des compétences et devrait garantir une meilleure efficacité dans le traitement des dossiers. En cas de défaillance d’un locataire ou d’un bailleur placé en procédure collective, le TAE sera compétent pour statuer sur les actions en résiliation, en constatation de clause résolutoire, en cession de bail et même en fixation de l’indemnité d’éviction. Cette centralisation permettra de réduire les délais et d’assurer une cohérence des décisions judiciaires.
Si le législateur, pétri de bonnes intentions, a souhaité simplifier le parcours du bailleur ou du locataire en difficulté en lui permettant de rester sous la houlette du Tribunal qui le protège, l’avenir dira si cette simplification en est vraiment une ou si le remède n’est finalement pas plus dangereux que le mal. En premier lieu, le TAE ne devrait pas être compétent pour trancher les litiges relatifs aux baux commerciaux lorsque ces difficultés apparaissent au stade des procédures amiables…
Cela signifie-t-il qu’il faudra changer de juge en cas d’échec de la procédure amiable et d’ouverture d’une procédure collective ? En deuxième lieu, le bailleur risque de se trouver face à un dilemme juridictionnel lorsque, ayant naturellement saisi le Président du TJ d’une demande d’acquisition de la clause résolutoire, son locataire en difficulté demandera l’ouverture d’une procédure collective du fait même de la saisine du Président du TJ… Faudra-t-il là encore que le bailleur change de juge ? En troisième lieu, le législateur est resté silencieux sur l’appréciation du lien de connexité : le demandeur devra-t-il le justifier ? Le défendeur pourra-t-il le contester ? Le juge pourra-t-il imposer ?
Lire la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023
Comment anticiper ces changements ?
L’expérimentation des TAE durera quatre ans et pourrait être généralisée à l’ensemble du territoire. Il est donc primordial d’appréhender les conséquences de cette réforme sur votre entreprise et vos contrats, notamment en matière de baux commerciaux.
Vous avez des questions sur ces évolutions ? Prenez contact avec notre experte en baux commerciaux, Charlotte Seube.